Retour sur la journée d’étude du 18 décembre 2020

Journée d'études du 18 décembre 2020

La journée d’étude, initialement prévue le 9 décembre 2020 dans les locaux de l’UQAR à Lévis, a été reportée au 18 décembre. Les conditions pandémiques nous ont obligées à tenir cette journée en mode virtuel. Voici un retour sur les faits saillants pour chacune des membres des Ateliers.

Anne Marie Michaud

Notre journée d’études fut l’opportunité de poser un regard rétrospectif sur la teneur des projets en recherche-création réalisés dans la dernière année et plus largement, de pousser ma réflexion sur le faire de l’art, tant dans ma pratique artistique qu’en contexte de formation artistique.

La pratique réflexive est au cœur de ma pratique artistique depuis longtemps et j’ai conscience que c’est elle qui me permet d’accéder à de nouvelles connaissances sur l’art et sur mon propre processus de création. C’est en comprenant l’ancrage de la pratique réflexive dans l’expérience de l’art que je relève mon propre dialogue de la création, mon être à l’art. 

Mon expérience d’artiste nourrit ma pratique d’enseignante et, inversement, ma posture pédagogique éclaire des aspects de ma démarche artistique. En ce sens, je crois qu’approcher la recherche-création publiquement comme une apprenante, est une façon de partager et de promouvoir l’expérience de l’art comme mode d’acquisition de connaissances. En ce sens, je veux être un amateur public, une personne qui apprend en public afin de partager et diffuser le savoir qu’elle acquiert. C’est le jardin que je veux cultiver comme artiste-pédagogue : un engagement envers moi et envers l’autre. Une envie d’aller de soi vers l’autre par la pratique artistique et inversement, d’apprendre des autres.

Danielle Boutet

« Quand il est pleinement engagé dans une pratique de création, l’artiste éprouve souvent le sentiment d’accéder à un type particulier de connaissance ; il se sent « connaissant » et, en ce sens, il comprend qu’il participe à l’élaboration de savoirs d’un ordre particulier. »

Diane Laurier et Pierre Gosselin (dir.), Tactiques insolites (Guérin, 2004), 168–169

Ma contribution, à notre journée d’étude de décembre, a porté sur un grand cycle créateur d’une douzaine d’années, intitulé Les dimensions sauvages. Mes œuvres de ces années-là – tant musicales que visuelles, littéraires ou performatives – étaient liées par une même inspiration : chercher à accéder, par l’art et l’imagination, à des états non civilisés et des expressions du monde « sauvage ». Je croyais pouvoir le faire en passant par mon propre monde intérieur.

Ai-je réussi? Rien n’est moins sûr : j’ai davantage exploré le chemin que la destination. Mais cette quête a été riche en visions, en réflexions et en produits artistiques eux-mêmes chargés de ces contemplations. Ainsi, bien avant que je rencontre la recherche-création et l’idée de l’art comme mode de connaissance, je m’étais investie, sans savoir encore le nommer, dans un projet systématique axé sur l’exploration de connaissances – surtout hermétiques et issues de l’inconscient du monde. C’est ce cycle qui, plus tard, finira par déboucher sur mon travail de doctorat.

Louise Gauthier

Il y a chez moi un double besoin: celui d’être en contact avec le monde sensible, et celui de documenter ce monde et de l’organiser en matière à réflexion. Pour moi, l’art, y compris la pratique artistique, est à la fois un champ de connaissance, une manière d’être et un mode d’action.

Lors de la première journée d’étude des Ateliers, j’ai présenté aux membres du collectif les grandes lignes de ma recherche depuis les années 1980 et discuté de cette préoccupation récurrente en moi de saisir ce que je nomme « l’esprit des lieux ». Curieusement, l’une des caractéristiques de mon travail visuel est l’absence du corps humain. S’il est là, ce corps, c’est par hasard: il est flou, en mouvement, de passage ou en second plan. Or, si les lieux auxquels je m’intéresse sont soi-disant vides, ils sont néanmoins vivants. Il y a quelque chose. D’où ma tentative de capter l’esprit des lieux par le biais du regard vernaculaire, ce regard cursif, quasi inconscient que nous portons sur ce qui nous entoure dans nos déplacements quotidiens – que ce soit en ville, dans la nature ou à la maison.

Lié à un état d’être à mi-chemin entre l’éveil accru (le témoin / l’ethnographe) et la somnolence contemplative (le rêveur / l’artiste), ce regard « désincarné » me préoccupe depuis plus de 30 ans et est celui que je cherche à cristalliser dans la matière photographique et par le ready-made. L’épicentre de ma recherche est donc peut-être davantage l’idée de la trace elle-même – la trace de l’esprit des lieux et des choses.

Suzanne Boisvert

J’ai voulu profiter de notre journée d’étude pour faire le récit de ce qui relie les œuvres qui continuent de vivre en moi. Plusieurs sont collectives et témoignent de l’évolution de mon œuvrement en communauté, mais aussi, de sa cohérence. D’autres sont plus intimistes, témoignant du flou entre l’art et la vie (pour reprendre l’expression d’Allan Kaprow), voire presqu’invisibles.

Le contexte pandémique dans lequel nous avons fait cette rencontre rendait d’autant plus vibrante l’importance de la présence dans mon travail, du tressage de l’intime et du collectif, du corps et de l’esprit, du souffle et du geste. En racontant les points de repère de ma trajectoire, je dessinais les contours de mon territoire poétique au présent, je découvrais (dans tous les sens du mot) ce qui palpite toujours à l’intérieur de moi, mais aussi, je dévoilais certains points de rupture et de questionnements : comment (re)trouver de nouveaux contextes de création qui rendent possible d’aller plus loin, plus profondément, ensemble ? Comment rester, ne pas quitter, ce monde où je ne me reconnais plus ? Comment ne pas tomber dans le piège d’un art « créatif » plutôt que véritablement visionnaire, pour reprendre les mots de l’artiste américaine Estella Conwill Májozo ? C’est d’ailleurs sur un extrait d’un de ses textes que j’ai conclu ma présentation :

« All artists are able to display their craft without exertion and engagement that marks a performance from the soul. An artist can simply project his or her persona while remaining detached from the performance and the audience. But if you are “working the sounds” – if you are involved in something that engages you; confronting your own prejudices, fears, and limitations, rather than merely presenting what you already know; feeling your discomfort and taking that discomfort into the terrain where the truth exposes you – then you are quite possibly in the territory of the vision. You are close to grasping the mystery of the healing. You are then, only then, within reach of the gift that you can bring back to the world. »

To Search for the Good and Make It Matter, dans Mapping the Terrain. New Genre Public Art. Publication sous la direction de Suzanne Lacy (Bay Press, 1995), 93.

Virginie Chrétien

Lors de cette journée d’étude, j’ai remonté le temps en observant des projets phares liés à ma vie artistique professionnelle; les récurrences, les forces et la singularité indéniable de mon langage. À ce constat, celui d’être le plus souvent prise d’un sentiment d’insatisfaction. En moi ça dit : « non, ça ne marche pas ». Pourtant, pour les personnes qui font l’expérience de mes œuvres, il semble que ma poésie les pénètre, que ma manière de rendre les objets et l’espace actifs en installation soit saisissante et sensible et que l’ensemble contribue à offrir une expérience hors de l’ordinaire susceptible de transformer notre regard sur le monde.

Ma réflexion actuelle consiste à comprendre, à travers une nouvelle recherche-création, comment je pourrais continuer à faire de l’art, à avoir une pratique artistique, en trouvant un nouveau modèle de pratique, des nouveaux dispositifs de partage de mon travail – dans sa durée, son format, son réseau et sa famille d’appartenance – afin de vivre en moi un véritable sentiment d’adéquation.

Aujourd’hui je suis consciente que ce sentiment d’adéquation est intimement lié à celui de parvenir à ce que créer et partager mon art fasse du sens, et cela dans tous les temps de l’œuvre et de l’œuvrement; de la production à la post-diffusion.

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